Alors que la France vient de retirer son dernier contingent du Tchad, le régime de Mahamat Idriss Déby Itno s’empresse d’ouvrir la porte à une nouvelle présence étrangère : celle de la Turquie. Ankara, qui n’a jamais caché ses ambitions en Afrique, s’installe progressivement sur le territoire tchadien, profitant du vide laissé par Paris pour renforcer son influence militaire et stratégique.
Selon des sources tchadiennes et turques, la Turquie se prepare à prendre possession la base militaire française d’Abeché, dans l’est du pays, après un accord conclu en janvier dernier. Cette décision, qui s’est faite sans consultation populaire ni débat public, illustre une fois de plus la gouvernance opaque du régime tchadien, qui préfère négocier des arrangements militaires en coulisses plutôt que d’engager un dialogue avec son peuple.

En parallèle, Ankara a déployé des drones autour de la base de Faya-Largeau, près de la frontière libyenne, et y a envoyé des conseillers militaires ainsi que des employés d’entreprises turques spécialisées en sécurité. Le Tchad se retrouve ainsi sous une nouvelle influence étrangère, avec une puissance qui avance sous couvert de coopération sécuritaire mais qui, dans les faits, impose progressivement son empreinte sur les affaires militaires et stratégiques du pays.
Le gouvernement tchadien justifie ce rapprochement par la nécessité de renforcer la lutte contre le terrorisme et de stabiliser une région en proie aux conflits. Pourtant, il est légitime de s’interroger sur les véritables intentions d’Ankara, qui n’agit jamais sans contrepartie. La Turquie, qui multiplie les accords militaires en Afrique, cherche avant tout à s’implanter dans des zones clés pour servir ses propres intérêts géopolitiques, notamment en renforçant son influence face aux puissances occidentales et en consolidant ses liens avec des régimes autoritaires en quête de soutien extérieur.
Ce glissement de l’ombre française à l’ombre turque reflète surtout l’incapacité du régime tchadien à assurer sa propre souveraineté. Plutôt que de bâtir une véritable autonomie stratégique et de renforcer ses propres forces de défense, le pouvoir en place choisit de se placer sous la protection d’un nouvel allié étranger, au détriment d’une politique nationale de sécurité indépendante et transparente.
Pendant ce temps, la population tchadienne demeure exclue de ces choix stratégiques, alors qu’elle est la première concernée par les conséquences de ces arrangements militaires. Après des décennies sous influence française, le Tchad s’apprête-t-il à devenir une nouvelle base avancée des ambitions turques en Afrique ?
Pierre le Blanc pour ICI1FO