Du 13 au 15 décembre, se tient à Washington aux Etats-Unis, un sommet entre le locataire de la Maison Blanche, Joe Biden, et des dirigeants africains. Un sommet Afrique Etats-Unis qui est loin d’être le premier du genre, mais dont sont nommément exclus quatre pays africains, en l’occurrence le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Soudan. Ils ont été jugés par l’hôte du sommet comme étant en délicatesse avec les règles de la démocratie et indignes de figurer à la table de « l’Oncle Sam». Une mise à l’écart qui sonne comme une piqûre de rappel des fatwas prononcées à l’encontre de ces pays invités à revoir leur copie, comme, par exemple, l’exclusion de l’AGOA ou encore la suspension de certains programmes américains en direction de ces pays. C’est le cas du Burkina Faso dont le 2e Millenium Challenge a été suspendu en février dernier pour cause de coup d’Etat. Si l’idée de telles sanctions ciblées est d’exercer une forme de pression sur les pouvoirs militaires de ces pays pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, leur opportunité est plutôt sujette à caution d’autant plus que, moins que les hommes en treillis qui ont interrompu les processus démocratiques dans ces pays, ceux qui en pâtissent le plus, ce sont les populations pour lesquelles ces programmes ont été initiés.
Comment peut-on prétendre négocier d’égal à égal quand c’est tout un continent qui va à la rencontre d’un seul pays ?
Cela dit, l’absence de ces « élèves recalés » ne devrait pas empêcher de nombreux dirigeants africains de répondre à l’invitation de l’hôte américain. Il est même heureux que de tels cadres de renforcement de la coopération multilatérale, puissent se multiplier avec des puissances qui marquent de plus en plus d’intérêt pour un partenariat privilégié avec le continent noir, et parmi lesquels se comptent des pays comme la France, la Chine, le Japon, l’Inde, la Turquie, qui n’en sont pas à un sommet près avec l’Afrique. Seulement, les sommets se suivent, mais l’Afrique n’avance pas. Si fait que plus de soixante ans après les indépendances, on en est encore à tendre la sébile pour un développement qui se fait encore attendre. Mais comment peut-on prétendre négocier d’égal à égal quand c’est tout un continent qui va à la rencontre d’un seul pays ? Si ce n’est pas une infantilisation des Africains, cela paraît pour le moins un appel à une fédération pour compter dans le concert des nations. Et le malaise est d’autant plus grand que c’est à peine si les dirigeants africains ne donnent pas l’impression de se bousculer au portillon de telles rencontres comme des sujets de Sa Majesté, pour des retombées en faveur du continent noir, qui peinent véritablement à être observables. Que vont faire alors nos dirigeants à de telles rencontres au sommet ? Que fait vraiment l’Afrique pour tirer des dividendes de ces grandes rencontres internationales ? Autant de questions qui appellent à un changement de paradigme de la part des dirigeants africains qui devraient aussi apprendre à se regarder dans la glace. Il n’y a donc point de pierre à jeter à autrui.
L’Afrique doit impérativement sortir de la logique de l’aide pour s’inscrire dans une dynamique de partenariat gagnant-gagnant
Car, si les dirigeants des grandes puissances prouvent chaque jour un peu plus qu’ils savent agir dans l’intérêt de leurs peuples, pourquoi en irait-il autrement pour les chefs d’Etat africains ? En tous les cas, il ne fait pas l’ombre d’un doute que c’est moins par philanthropisme que pour les intérêts qu’ils en tirent, que les grandes puissances organisent de tels sommets qui sont loin de se tenir pour les seuls beaux yeux de l’Afrique. Il appartient donc au continent noir de savoir se hisser à la hauteur de ses partenaires internationaux. Autrement, tant qu’il semblera se complaire dans sa posture d’éternel assisté, il lui sera difficile de sortir du paradoxe du continent riche mais aux populations pauvres, qui se laisse imposer les règles du jeu dans les relations internationales. En tout état de cause, on ne gagne pas le respect des autres en inspirant la pitié. C’est pourquoi l’Afrique doit impérativement sortir de la logique de l’aide pour s’inscrire dans une dynamique de partenariat gagnant-gagnant. Car, ce continent qui est le berceau de l’humanité, ne manque pas de ressources. Bien au contraire. Et ce n’est pas pour rien qu’elle fait l’objet de tant d’attentions et de convoitises. A elle d’en prendre conscience.
Pierre Le Blanc pour ICI1FO