Pendant le contrôle (image ICI1FO)
Afin de contenir la hausse de certains produits de grande consommation et de préserver le pouvoir d’achat du consommateur, le gouvernement Ivoirien a fait passer de 4 à 21 les produits et services dont les prix sont règlementés. Le gouvernement Ivoirien a plafonné les prix de 21 produits dont des produits de grande consommation pour une période de trois mois, allant d’Avril 2022 à Juin 2022, tant à la production qu’à la distribution. Il est également exigé une autorisation préalable à l’exportation de tout produit vivrier à destination de l’étranger.

Ces décisions ont été prises au cours du Conseil des ministres, le mercredi 09 mars 2022 à Abidjan. Le décret qui actualise la liste des produits et services dont les prix sont règlementés par le gouvernement et accroît le nombre de produits réglementés, fait suite aux concertations entre le gouvernement et les associations des consommateurs tenues sur la hausse des prix sur le marché et après avis de la Commission de la Concurrence.
Ces produits concernés sont la farine boulangère, la baguette de pain, la viande de bœuf, de porc et de mouton, l’huile de table raffinée, le riz local, les matériaux de construction, les tarifs du transport, les loyers de maison à habitat social, les tarifs publics de l’eau et de l’électricité et les tarifs d’accès aux services internet.
Quant aux produits de grande consommation dont le gouvernement a décidé du plafonnement des prix pour une période de trois mois tant à la production qu’à la distribution, l’on compte le riz, le sucre, la tomate concentrée, le lait, les pâtes alimentaires, l’huile de palme raffinée, la viande de bœuf et quelle que soit leur dénomination commerciale.
Après une période de sensibilisation et de formation des opérateurs économiques (grossistes, demi grossistes et détaillants) de San Pedro sur ces mesures, la direction régionale du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des petites et moyennes entreprises, procède, depuis le début du mois d’Avril 2022, à la vérification du respect des mesures prises par l’État de Côte d’Ivoire.
« Si le grossiste ne respecte pas les prix qu’il doit appliquer, le demi grossiste ne pourra pas respecter les prix qu’il doit appliquer aux détaillants. Et le détaillant ne va pas respecter le prix qu’il va appliquer aux consommateurs. Il faut donc veiller à ce que sur toute la chaîne, que chacun puisse respecter le prix qui lui a été fixé et plafonné par l’État de Côte d’Ivoire », nous confiait N’Guessan Bernard, Directeur régional adjoint du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des PME dans un entretien.
Ainsi, après les grossistes, les demi-grossistes, c’est au tour des détaillants de recevoir les équipes de la direction régionale du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des PME dirigée par N’Guessan Sylvanius.
Ce lundi matin, après avoir obtenu l’autorisation du directeur régional du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des PME, ICI1FO aaccompagné l’une des quatre équipes déployées sur le terrain dans le cadre de cette opération de vérification du respect des prix plafonnés. La cible, ce jour, ce sont les détaillants (les boutiques de quartiers).
Après un bref briefing fait par N’Guessan Bernard, DR adjoint du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des PME de San Pedro, nous embarquons à bord d’un véhicule. L’équipe que nous accompagnons est composée de l’inspecteur Brou Manhoubé et du contrôleur Abié Franck.
La pratique des prix illicites, c’est-à-dire le non respect des prix plafonnés fixés par le gouvernement Ivoirien et le défaut de publicité des prix, sont les infractions que l’équipe conduite par l’inspecteur Brou Manhoubé devra constater.
DES BOUTIQUIERS QUI USENT DE RUSE
À 11h25mn, nous quittons la direction régionale du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des PME sise en zone portuaire. Destination, le quartier Corridor. C’est le quartier situé à l’entrée nord de la ville portuaire.
« Nous y allons pour remettre d’abord des convocations aux boutiquiers qui se sont rendu coupable d’infractions lors des derniers contrôles et après, procéder à des vérifications chez d’autres détaillants », nous fait savoir l’inspecteur Brou.
« Vous allez voir qu’il y a des boutiques où nous nous sommes déjà rendu. Nous y avons constaté des infractions. Aujourd’hui, nous venons leur remettre leur convocation. Mais vous constaterez avec nous que rien n’a changé. Dès que nous avons le dos tourné, ils commettent les mêmes infractions. Soit, ils n’affichent pas le prix des produits de grande consommation dont les prix ont été plafonnés par l’État de Côte d’Ivoire, soit ils affichent des prix et vendent le produit à un autre prix ou même ils n’affichent même pas les prix. C’est comme ça ! Lorsque nous sommes face à ces situations, c’est-à-dire une pratique de prix illicites ou un défaut de publicité des prix, nous rédigeons un procès verbal et nous remettons une convocation au détaillant incriminé. Celui-ci a un mois pour payer son amende », nous explique le chef de l’équipe que nous suivons sur le terrain ce lundi.
Après environ 25mn de route, nous sommes au quartier corridor 3S ( Corridor San Pedro – Soubré – Sassandra). Le corridor qui a donné son nom au quartier qui lui est contiguë. Nous avons pu, chemin faisant, voir la transformation que cette partie de la ville connait actuellement avec le bitumage de l’axe Corridor 3S – Rond point de la gare routière.
Dans la première boutique dans laquelle nous introduisons, il s’agit pour l’inspecteur Brou et le contrôleur Abié Franck d’y remettre une convocation. Après les civilités, l’inspecteur Brou informe le gérant de la boutique que son collègue et lui sont de la direction régionale du ministère du commerce et qu’ils sont venus remettre une convocation pour défaut de publicité des prix et pour pratique de prix illicites. Drissa, le gérant de cette boutique refusera de prendre la convocation prétextant qu’il « n’est qu’un simple gérant » et qu’il va faire appeler le « véritable propriétaire de la boutique ».
Ce qu’il fit en demandant à un gamin présent dans la boutique d’aller rapidement prévenir le propriétaire de la boutique de la présence de deux agents du ministère du commerce.
Après quinze minutes d’attente, le propriétaire de la boutique arrive. Il s’appelle Oumar. La quarantaine, il n’hésitera pas à récupérer sa convocation.
« Vous avez un mois pour payer la somme de 100.000 Frs CFA. Rendez-vous à la Direction régionale du ministère du commerce. Si après un mois, vous ne venez pas payer votre amende, nous allons revenir », a prévenu l’inspecteur Brou.
Après la boutique de Oumar, le cap est mis sur une autre boutique. Toujours dans le même quartier. Dans cette boutique, c’est une dame qui reçoit les deux agents. Contrairement à la précédente boutique, ils y sont pour procéder à un contrôle.
Après quelques minutes de conversations entre l’inspecteur et la gérante de la boutique, l’agent assermenté découvre une pratique de prix illicites notamment sur la tomate concentrée. Un produit que Mme Adamo, la gérante de la boutique, dit maîtriser le prix.
« A combien vendez vous la tomate concentrée Top Chef 370g ?», a interrogé l’inspecteur.
« A 500 frs », a-t-elle répondu.
« Ok ! Nous allons vérifier dans notre document ce qui est dit. Mme, vous vendez au-delà du prix plafond. Vous vendez la tomate concentrée Top Chef 370 g à 500 Frs CFA. Ce n’est pas normal ! Le prix élevé auquel l’État de Côte d’Ivoire vous demande de vendre la tomate concentrée Top Chef 370 g est 465 Frs CFA. Et vous la vendez à 500 frs CFA. La différence est grande ! C’est une faute. Madame, vous pratiquez un prix illicite. Et vous devez payer une amende de 100.000 frs CFA », déclare l’inspecteur Brou.
À l’annonce de l’amende qu’elle encourt pour pratique de prix illicite, la gérante de cette boutique éclate de rire. Son époux, Malam Adamo, absent, s’invitera à la conversation. Il dit être le propriétaire de l’établissement.
« Ma femme ne connaît pas le prix des marchandises. Ce n’est pas elle la gérante de la boutique. C’est parce que le gérant est absent que j’ai fait appel à mon épouse pour gérer la boutique. Sinon, elle ne connait pas le prix des marchandises », souligne Malam Adamo.
Il sera vite confondu par l’inspecteur Brou Manhoubé qui, à travers une série de questions va découvrir que des prix illicites n’étaient pas pratiqués dans cette boutique que sur la tomate concentrée Top Chef 370 g. Outre la pratique illicite des prix, Malam Adamo et son épouse vont se rendre coupable de défaut de publicité des prix.
Sur cette question, le couple avancera un autre argument.
« Les gens du syndicat des commerçants nous ont fait payer des fiches où il y a les prix des produits. Nous avons payé 2000 frs CFA pour pour ces fiches. Ils nous ont dit que ces fiches nous donnent les prix auxquels nous devons vendre certains produits. C’est ce que nous faisons », déclare Malam Adamo pour justifier le fait qu’il n’ait pas affiché les prix comme le préconise le Gouvernement Ivoirien.
Pour lui, celui qui veut acheter un article dans sa boutique, devra se référer à ces affiches accolées sur les deux battants de la porte de sa boutique.
« Si nous vous comprenons bien, les clients devront aller chercher le prix du produit qu’ils veulent acheter sur ces affiches avant de revenir vers vous. Ce n’est ce que dit la loi. La loi dit que vous avez l’obligation de faire connaître le prix du produit que vous vendez au client. Et, parmi ces produits, il y a n’en dont les prix ont été plafonnés par l’État de Côte d’Ivoire. Et cela, sur une période de trois mois. C’est ce que dit la loi. Nous allons vous remettre une convocation. Vous avez un mois pour payer votre amende. C’est 100.000 des CFA », a fait savoir l’inspecteur Brou Manhoubé au propriétaire de cette boutique avant de se tourner vers nous.
« Vous voyez ! Des responsables du syndicat des commerçants, utilisant le nom du ministère du commerce, font payer des affiches aux détaillants dans les quartiers. Au lieu de demander à leurs syndiqués d’afficher les prix sous les articles, ils préfèrent leur vendre des affiches. Après, ils iront dire à leur syndicat que les agents du ministère du commerce les rackettent. Qu’ils leur prennent 10.000 frs, 15.000 frs CFA. Et c’est ce que les gens retiendront. Au niveau de la direction régionale du ministère du commerce, la plus petite amende concernant ces infractions s’élève à 100.000 frs CFA ».
Sous le regard du couple, nous quittons le quartier Corridor. L’inspecteur nous apprend, chemin faisant, que nous mettons le cap sur le quartier Belleville. C’est dans ce quartier que nous résidons.
Dans la première boutique que visitent les deux agents, celui que nous trouvons, refusera de se soumettre à leurs questions. Prétextant ne pas être le propriétaire de l’établissement. Là également, les agents du ministère du commerce y constateront que les prix pratiqués sur plusieurs produits sont illicites. Notamment sur la tomate pâte concentrée Alyssa, celle de la marque Top Chef, sur l’huile en vrac, le sucre et le lait. Nos agents de la direction régionale du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des PME y laisseront également une convocation pour le propriétaire de l’établissement commercial.
Chez un autre détaillant où les deux agents vont se rendre, en plus d’une pratique de prix illicites et d’un défaut de publicité, un fait va les attirer.
Le gérant de la boutique sera pris en flagrant délit de tromperie. En effet, ils découvriront un riz de qualité inférieure dans un sac de riz de marque Rizière.
« Il met un riz de qualité inférieure au riz Rizière dans le sac Rizière et le vend au prix du riz Rizière. Ce n’est pas normal ! C’est de la tromperie. Et il vend ce riz au prix du riz Rizière. C’est-à-dire à 400 frs FCA le kilogramme. Il trompe les clients. Il tombe sous le coup de plusieurs infractions. Il sera convoqué aussi », a indiqué l’inspecteur Brou Manhoubé.
De toutes les boutiques visitées ce jour par ces deux agents de la direction régionale du ministère du commerce, de l’industrie et de la promotion des PME, une seule n’aura pas écopé de convocation.
« Les prix sont bien affichés sous les produits qui sont dans les étagères. Et ces prix sont conformes à ceux préconisés par le Gouvernement Ivoirien. C’est bien ! », s’est réjoui l’inspecteur Brou Manhoubé.
Après les boutiques du quartier Corridor et celles du quartier Belleville, le chef de la mission met fin à celle-ci aux alentours de 14 heures. Retour à la direction régionale du ministère du commerce sise en zone portuaire. Question de rédiger les différents procès verbaux et préparer les convocations.
LES AMENDES PREVUES
En vertu du libre jeu de la concurrence, les commerçants peuvent pratiquer des prix, mais qui soient en deçà des plafonds fixés. Les contrevenants s’exposent à des amendes. Celles-ci varient d’une catégorie de commerçants à une autre. Pour les boutiques de quartiers, l’amende est de 100.000 frs CFA. Pour les supérettes, c’est 200.000 frs CFA. Pour les supermarchés et demi grossistes, l’amende est de 500.000 frs CFA et pour les importateurs et les industriels, elle est de 5 millions de francs CFA.
« Dans l’ensemble, il y a un effort de respect des prix plafonnés », a fait savoir, N’Guessan Bernard, directeur régional adjoint du ministère du commerce. Selon lui, sur 14 grossistes contrôlés, 08 se sont rendu coupable de pratique de prix illicites et de défaut de publicité des prix. Tandis que moins de 10 demi grossistes sur les 30 qui ont été visités depuis le début de cette opération n’ont pas respecté les prix plafonnés.
L’opération de vérification du respect des prix plafonnés se poursuivra sur toute l’étendue du territoire régional. C’est-à-dire dans les sous-préfectures et les communes des départements de San Pedro et de Tabou.
Christ Yoann pour ICI1FO