Si l’expression « l’albinos noir » est devenue, en l’espace de quelques jours, un véritable phénomène linguistique et symbolique au Burkina Faso et dans toute la sous-région ouest-africaine, c’est aussi l’immensité du jeune président, le capitaine Ibrahim Traoré qui en donne un sens à l’actualité.
Le Président du Faso, lors de l’ interview marquant ses trois années de gouvernance, a lâché cette formule qui a immédiatement captivé l’opinion publique, révélant encore une fois la force communicationnelle du jeune chef d’État.

Mais qu’a-t-il réellement voulu dire à travers cette expression à la fois intrigante et poétique ?
Une métaphore du paradoxe et de la transformation: « Bientôt, vous verrez l’albinos noir. Ne me demandez pas de quoi il s’agit… bientôt la guerre va finir. ». Le Capitaine Président ne livre pas une simple phrase énigmatique ; il propose une image métaphorique du changement, de la surprise historique et de l’impossible rendu possible. L’« albinos noir » est ce qui semble contradictoire mais qui deviendra réel comme la victoire d’un peuple blessé mais debout, ou la renaissance d’une nation meurtrie par la guerre.
Dans le contexte burkinabè, cette expression a une résonance profonde : après des années d’insécurité, de doutes et de fractures sociales, le Président annonce une transformation radicale, une résolution imminente du terrorisme, sous une forme que nul n’imaginait.
Une phraséologie à la Sankara?
Oui, le Capitaine Ibrahim Traoré s’impose, au fil de ses prises de parole, comme un stratège du langage populaire nous fait revivre les discours légendaire de Sankara le grand orateur qui maîtrise l’art de parler au peuple dans ses symboles, et qui sait utiliser des images simples mais percutantes, capables de traverser les clivages politiques de tous ordres.
Son langage, souvent métaphorique, rassemble au lieu de diviser. Il évoque des réalités complexes, la souveraineté, la résistance, la dignité nationale dans une langue accessible à tous, à la fois ferme, imagée et empreinte de mystique révolutionnaire.
Alors la puissance oratoire du capitaine Ibrahim Traoré n’est pas sans rappeler le Capitaine Thomas Sankara, dont la parole transcendait le discours politique pour devenir un appel à la conscience et à la dignité africaine. À l’image de son illustre prédécesseur, Ibrahim Traoré lie le verbe et l’action, l’idéalisme et la pratique, la métaphore et la réalité du terrain.
« L’albinos noir » est pour ainsi dire plus qu’une phrase. Il révèle un signe d’espoir, une annonce de la victoire, un cri poétique d’un peuple en marche vers sa souveraineté.
De Sankara à Traoré : du retour des astres à l’albinos noir, la même promesse de renaissance
Thomas Sankara à l’ONU (4 octobre 1984) citait en fin de discours le poète Novalis :
« Bientôt les astres reviendront visiter la terre d’où ils se sont éloignés pendant nos temps obscurs ; le soleil déposera son spectre sévère, redeviendra étoile parmi les étoiles, toutes les races du monde se rassembleront à nouveau, après une très longue séparation, les vieilles familles orphelines se retrouveront et chaque jour verra de nouvelles retrouvailles, de nouveaux embrassements ; alors les habitants du temps jadis reviendront vers la terre, en chaque tombe se réveillera la cendre éteinte, partout brûleront à nouveau les flammes de la vie, les vieilles demeures seront rebâties, les temps anciens se renouvelleront et l’histoire sera le rêve d’un présent à l’étendue infinie. »
Plus d’une quarantaine d’années après, ce rêve devient presqu’une réalité. L’un a rêvé la lumière, l’autre la promet. Et dans ce continuum de sens, le verbe révolutionnaire burkinabè garde sa mission première : faire espérer, pour faire agir.
Peut-être, au fond, que l’« albinos noir » de Traoré est l’astre revenu de Sankara: une image nouvelle pour un même rêve.
Ira Korotimi à Ouagadougou pour ICI1FO
